L’hôpital, un lieu de vie Bernadette témoigne de

L’hôpital, un lieu de vie

Bernadette témoigne de la chance qu’elle a eu de goûter pendant un an et demi une expérience de vie à l’hôpital, en s’engageant comme bénévole auxiliaire au sein de l’aumônerie de Mont-Godinne.

Expérience de vie, me direz-vous, est-ce possible dans le milieu hospitalier si souvent hostile et touchant de près la réalité de la mort ?

Les bénévoles visitent systématiquement tous les patients d’un même service. Nous entrons dans les chambres les « mains nues », sans dossier médical, sans même connaître la raison de l’hospitalisation.  Seulement le nom de la personne, qui nous dira juste ce qu’elle a envie de dire, de partager.  Et là, presque chaque fois, naît le miracle de la rencontre.  Très vite, les langues se délient et surtout la souffrance se dit. La souffrance physique, bien sûr,  parfois tellement lourde à supporter (que celui qui pense que l’on ne souffre plus aujourd’hui physiquement fasse un tour dans un hôpital !). Plus cachées sont les souffrances morales : l’impuissance face à la maladie, la douleur de laisser là ceux qu’on aime (que de grands parents aimeraient voir grandir leurs petits enfants), la peur du lendemain quand on apprend qu’on ne marchera plus jamais, la honte d’être dépendant…

Mais ce qui m’a le plus marquée, c’est le poids de la culpabilité qui pèse sur tant de personnes.  Face à la maladie, aux limites de notre corps, il est clair que se pose la question du sens de la vie ; le passé revient avec toutes ses erreurs, ses ratés, ses écorchures.  Certaines personnes en sont vraiment écrasées.  Le simple fait de « se raconter » peut être vraiment libérateur ; parce que tout simplement quelqu’un est là, rien que pour vous, rien que pour vous consacrer du temps, rien que pour vous écouter sans jugement et avec bienveillance.  Ecouter, l’oreille ouverte, le cœur plein, et laisser dire ce qui se dit. Ecoute offerte pour que celui qui tente de se dire ait espace à le faire, dit Maurice Bellet[i].

L’écoute donne sans préalable, sans justification ni mérite,  le droit d’être là, en entier et sans peur. D’être ainsi écouté, on peut de nouveau s’aimer soi-même, abandonner l’ancienne image de soi et dénouer tous les nœuds qui empêchaient de s’accepter en vérité.

« J’ai écrit ton nom sur la paume de ma main.  Tu as du prix à mes yeux et je t’aime. »  J’ai souvent confié cette parole biblique aux patients.  Je ne savais pas s’ils étaient croyants ou non.

Ce bénévolat m’a beaucoup apporté. L’autre que j’écoute peut devenir pour moi le thérapeute qui me révèle à moi-même, voir le maître qui m’enseigne la voie juste ou le prophète qui m’annonce le décisif, dit encore Maurice Bellet.  Que de leçons de vie, de courage et de confiance j’ai reçu de tous les patients ! Je ne peux que les en remercier.

Hélas cette belle aventure s’est terminée par un beau matin de janvier.  L’évêché de Namur m’a refusé le mandat nécessaire pour faire partie d’une équipe d’aumônerie, même comme bénévole un jour par semaine. La règle avant l’humain ; c’est bien connu dans l’Eglise même si l’Evangile et le pape François ne cessent de rappeler le contraire.

Heureusement, il y a l’histoire de Christelle.  « En octobre 2013, j’ai subi une intervention qui nécessitait une anesthésie.  En arrivant au bloc, je n’étais pas rassurée et je me suis mise à prier. Je pense que l’anesthésiste a compris le mouvement que je faisais avec le pouce et l’index ; j’imitais le mouvement du chapelet. Il s’est alors penché vers moi et m’a demandé si je priais.  J’ai répondu par l’affirmative. Il m’a demandé si nous pouvions prier ensemble, je pense que l’équipe nous entendait.  Je me suis endormie en douceur sur les paroles de « Je vous salue Marie ».

Faut-il un mandat pour être autorisés à prier ensemble, pour faire de l’hôpital un lieu de Vie ?

Bernadette Wiame

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[i] M. Bellet, L’écoute, Desclée de Brouwer, Paris, 2009.