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Sonalux
28 mars 2014

L’église, autrement En décembre 2013, Monseigneur

L’église, autrement

 

En décembre 2013, Monseigneur Albert Rouet animait la formation proposée par la Focap à Ciney. Voici quelques échos[i] de son intervention en janvier 2014 lors d’une autre rencontre de chrétiens, les « journées thématiques » de la Communauté Romande de l'Apostolat des Laïcs (CRAL). Il y invitait les catholiques à «inventer et imaginer l’Eglise autrement».

 

 

La cinquantaine de laïcs engagés qui avaient fait le déplacement, les 18 au 19 janvier au Foyer franciscain à Saint-Maurice, ont été vivement interpellés par Mgr Albert Rouet, une forte personnalité qui n'a pas l'habitude de donner dans l'ecclésialement correct. Rien de plus stimulant pour des journées intitulées «Le souffle de l'Eglise passe par la créativité des laïcs. La créativité des laïcs donne souffle à l'Eglise».

 

 

Le Concile Vatican II s'est ouvert à l'action des laïcs

 

Né en 1936 dans un milieu d'agriculteurs, spécialiste de pastorale sacramentelle, longtemps au contact des jeunes – comme aumônier de lycée à Paris jusqu'en 1968, directeur d'une équipe de prêtres chargés des jeunes, délégué pour le monde scolaire et universitaire – Mgr Rouet a été, de 1994 à 2011, à la tête de l'archidiocèse de Poitiers, dans la région française du Centre-Ouest.

 

Fort de sa longue expérience pastorale à Poitiers, où il a tenté l'expérience d'une Eglise de communion dans le sillage du Concile Vatican II – en proposant une autre structure qui évite la centralisation et invente d'autres modalités d'exercice du ministère presbytéral – l'archevêque émérite est très sollicité pour donner des conférences aux quatre coins du monde. «Je voyage beaucoup, a-t-il confié à l'Apic, et je vois que la question du rôle et de la place des laïcs dans l'Eglise se pose partout, sur tous les continents. Il y a des endroits où leur parole est étouffée. Très progressivement, les ouvertures du Concile Vatican II concernant les laïcs ont été canalisées, voire resserrées».

 

 

Un monde sécularisé «où nous sommes devenus insignifiants»

 

Pour Mgr Rouet, dans ce monde sécularisé «où nous sommes devenus insignifiants», il est urgent de repenser l'Eglise autrement, de ne pas sacraliser le pouvoir hiérarchique, mais au contraire de promouvoir de petites communautés fraternelles, à dimension humaine, où tout le monde se connaît. «Comment appeler notre Eglise une fraternité, quand on continue à centraliser à tour de bras ? Les regroupements de paroisses concentrent des convaincus en un point géographique donné, mais retirent les forces vives d'autres localités, qui en auraient pourtant besoin pour tenir. Si on veut être significatifs dans ce monde, il faut au contraire décentraliser, pour pouvoir se parler entre frères qui se connaissent. Il y a une taille pour que la fraternité puisse exister!» L'archevêque estime que l’Eglise doit davantage s'appuyer sur les baptisés. Il faut faire confiance aux laïcs et «arrêter de fonctionner sur la base d’un quadrillage médiéval».

 

Se basant sur les Evangiles, et citant saint Paul, il relève que le prêtre ne doit pas être vu dans une relation verticale, hiérarchique, mais il doit au contraire faire le lien entre les croyants, créer la communion, la communauté. «Les structures paroissiales sont centripètes, tout tourne autour du prêtre… Le prêtre est vu comme un patron. On a copié l'organisation civile. Si vous y introduisez un laïc, c'est comme s'il y a deux crocodiles dans un marigot: le conflit est assuré, question de pouvoir! Le pouvoir a été sacralisé, d'où la guerre pour le pouvoir entre clercs et laïcs».

 

Si les laïcs restent des mineurs, l’Eglise n’est pas crédible, insiste Mgr Rouet. Il faut donc, à ses yeux, changer de logique, sortir de ce schéma de pouvoir, passer de laïcs aides d'un prêtre au centre de tout, à des communautés locales responsables, constituées d'une équipe de base animatrice, avec un prêtre au service des relations entre les fidèles. Signe de la communion, le prêtre est au service de la communion, notamment en présidant l’eucharistie et les sacrements. «La communion ne demande cependant pas qu'il fasse tout. Elle le place au point de rencontre. Pour cela, les structures doivent changer.»

 

 

Des structures héritées de l'histoire appelées à changer

 

L'archevêque émérite constate que le problème vient des structures héritées de l'histoire: la paroisse, dans le passé, était vue comme un territoire, un fief, et le curé y restait jusqu'à la mort. Auparavant, le nombre de prêtres était très important en Europe ou au Canada, alors qu'il en manquait dans d'autres parties du monde.

 

«Aujourd'hui, chez nous, il manque de prêtres, et l'Eglise voudrait maintenir les mêmes structures… Alors, on fait appel à des prêtres venant de pays suffisamment pauvres pour avoir suffisamment de vocations, tout cela pour ne pas toucher à la sacralisation du pouvoir».

 

Mais est-ce cela que le Christ a voulu, est-ce cela que nous dit l'Evangile, se demande Mgr Rouet ? Et de citer la constitution dogmatique sur l'Eglise «Lumen Gentium» promulguée par le Concile Vatican II qui dit qu'il n'y a dans l’Eglise «aucune inégalité qui viendrait de la race ou de la nation, de la condition sociale ou du sexe, car 'il n’y a ni Juif ni Grec, il n’y a ni esclave ni homme libre, ni homme ni femme, vous n’êtes tous qu’un dans le Christ Jésus» (Ga 3 ; 28 grec ; cf. Col 3, 11). Mgr Rouet plaide pour une Eglise «constituée fraternellement».

 

 

« Est-on vraiment prêts à mettre en œuvre les intuitions du Concile ?»

 

Les 2500 évêques venus au Concile à Rome avec l'idée d'une Eglise comme «société sacrée hiérarchique» sont sortis «convertis», avec l'idée d'une «Eglise sacrement du Royaume», souligne l'archevêque émérite de Poitiers. «Cette conversion devrait trouver aujourd'hui sa réalité sur le terrain, mais on en est encore loin! Est-on vraiment prêts à mettre en œuvre les intuitions du Concile ?»

«Tant qu'on a encore les moyens, les choses ne changeront pas, il y a la force de l'habitude, l'incapacité de penser autre chose que ce que l'on connaît. Quand, par exemple, on n'aura plus qu'un diocèse avec 3 paroisses et 5 prêtres, quand cela touchera directement le porte-monnaie, il faudra alors bien se dire qu'on peut faire autrement».

 

 

 



[i] Texte de Jacques Berset, agence Apic.

http://kipa-apic.ch/index.php?pw=&na=0,0,0,0,f&ki=250858

 

 

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