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Sonalux
23 septembre 2013

Bon sang d’bon sang ! La pratique cultuelle ne

 

Bon sang d’bon sang !

 

La pratique cultuelle ne cesse de diminuer, mais certains sont toujours attirés par une religiosité un peu magique. Est-ce la bonne manière de remplir à nouveau les églises ? 

 

 

A l'instar de bien des paroisses catholiques, celle de Saint-Hubert, en Centre Ardenne, connaît aussi la désaffection des fidèles et l'enlisement dans une routine cultuelle un peu dépassée.

 

La présence sur la place principale de la localité d'une splendide basilique datant du XVIe siècle est l'occasion pour le Syndicat d'Initiatives et les associations hubertines d'organiser annuellement une dizaine d'événements notamment musicaux mais aussi autour de la légende de St-Hubert et du cerf à la croix, de la chasse, de l'histoire locale et de l'édifice prestigieux.

Mais au-delà des foules que rassemblent ponctuellement toutes ces festivités, la basilique reste un peu désespérément vide ou presque, signe d'une évolution de la religion catholique entamée il y a bien longtemps déjà en Occident.

 

Les curés s'en inquiètent pourtant et tentent par tous les moyens de redynamiser la vie paroissiale et de remobiliser leurs ouailles. Souvent en vain !

 

L'idée qui a germé dans la tête du doyen de Saint-Hubert n'est pas saugrenue si elle vise l'animation nouvelle de "sa" basilique et le retour des foules vers la petite cité, depuis trop longtemps figée dans une sorte de "splendid isolation"[i], trop tenue à l'écart des grands mouvements de chalands à la recherche de la dernière nouveauté vestimentaire ou de la bonne affaire. L'avenue de Bouillon et le carrefour de Recogne à Libramont, temple de boutiques, n'y sont pas pour rien !

 

En mai 1981, Ali AGCA, un jeune turc, militant islamiste d'extrême droite et membre des "Loups Gris" tirait par deux fois sur le Pape Jean-Paul II sur la Place St-Pierre à Rome pour l'assassiner[ii]. Heureusement, la Vierge Marie veillait au grain et elle a fait dévier les balles qui auraient dû faire mourir le Pape.

 

Il n'empêche ! Les blessures étaient bien là.

Et comme par un heureux hasard, un prélat proche du Saint-Père, qui suivait le cortège a sorti de sa poche un petit godet, qu'il avait justement là, tout prêt, avec une solution liquide de glycérol, pour aller recueillir le "saint liquide" auprès de JP II saignant abondamment.

 

Conservé depuis 32 ans dans un super congélateur, c'est une petite part de ce sang perdu par Jean-Paul II qui a été confiée, par l'archevêque de Cracovie, à la paroisse de Saint-Hubert qui vient, d'ailleurs, de la mettre en valeur.

 

Fin juillet de cette année, une nouvelle statue apparue dans la basilique a été inaugurée. Il s'agit d'une représentation de l'ancien pape décédé, incrustée de la relique sanguine. Celle-ci vient se joindre, ainsi, à la sainte étole miraculeuse de Saint-Hubert dont les reliques corporelles ont été perdues au XVIe siècle.

 

A n'en pas douter, les prospectus des voyagistes vont s'étoffer et les marchands du temple ne tarderont pas à flairer les bonnes affaires avec bibelots, bougies, breloques et autres colifichets à l'effigie du Saint-Père. Un peu comme au Standard ou avec Lionel Messi du Barça, quoi !

 

Aujourd'hui, on doit bien le constater  « processions, pèlerinages, communication avec les défunts, cultes des saints et des saints spécialisés, papolâtrie et autres mariolâtries, bénédictions diverses de vaches et de chats, demandes de guérison et autres suppliques(…) semblent connaître un regain d’intérêt et une vigueur renouvelée ».[iii]

L'initiative décanale se situe tout à fait dans cette veine !

 

Alors que la pratique religieuse cultuelle du dimanche a fortement diminué en Belgique et que dans le même temps l’influence de l’Eglise dans la vie sociale quotidienne et individuelle a perdu de son importance et de sa légitimité[iv], comment comprendre que pour contrer la désaffection  et le désintérêt des fidèles, des pratiques moyenâgeuses sont remises à l'avant-plan et, partant, tentent de retrouver dans la relique "la virtus, la force miraculeuse et protectrice ?"[v]

 

Ce à quoi on pourrait s'attendre de la part des pasteurs, confrontés au déclin de l'Eglise, ne réside certes pas dans la revivification de pratiques anciennes mais plutôt de parier, comme le suggère Joseph MOINGT, théologien jésuite, sur des communautés missionnaires (de laïcs) qui se donneraient comme lignes de conduite les quelques éléments suivants :

 

- S'organiser, en vue principalement d'un partage d'Evangile et non d'une célébration religieuse, orienter ce partage vers les problèmes qui se posent dans l'espace environnant, l'ouvrir à d'autres personnes désireuses de réfléchir à ces problèmes, prendre en charge cet environnement sociétal, avec ses souffrances et ses besoins, se disposer à des actions concrètes qui pourraient y être menées en s'adjoignant d'autres personnes ou en se joignant à elles.

 

- Faire exister une communauté, même  réduite à quelques chrétiens, là où il y avait auparavant une paroisse ;

 

- Par la suite, il faudra vite afficher la spécificité de cette petite communauté, sa raison d'être, à savoir d'être organisée en vue d'un partage d'Evangile.

 

- Enfin, elle devra se préoccuper d'essaimer, de susciter la création d'une autre communauté et d'autres ensuite sur le même secteur;

 

Rempli d'espérance Joseph MOINGT en convient pourtant : Cette évolution ne se fera pas sans heurts, sans bousculer les us et coutumes des fidèles et le positionnement réciproque des clercs et des laïcs.[vi]

 

Bien au-delà des espoirs magiques ou de l'interventionnisme espéré de Jean-Paul II dans nos misères individuelles, ne voilà-t-il pas un projet d'envergure capable d'enclencher Eglise et foi nouvelles en misant sur l'Evangile et non la religion ?

Michel Habran

 

 

 



[i]  Splendid Isolation, renvoie à une politique étrangère mise en place par le Royaume-Uni à la fin du XIXe siècle, sous les gouvernements conservateurs des Premiers ministres Benjamin Disraeli et le marquis de Salisbury. L'expression est utilisée pour la première fois par un homme politique canadien, George Eulas Foster, pour faire l'éloge de la position britannique consistant à se tenir à l'écart des affaires européennes. Il existe un débat entre historiens sur le caractère intentionnel de cette politique ou si, au contraire, la Grande-Bretagne y a été contrainte par les événements contemporains. Extrait de WIKIPEDIA.

[ii] ALI AGCA, "Je devais tuer le pape" Editeur Archipel, Paris. Traduit du turc par Philippe  Rouillard.

[iii] Michel HABRAN, "Religiosités et foi, des questions à se poser" in SONALUX no85, avril-juin 2013.

[iv] Michel HABRAN, op.cit.

[v] Edina BOZOKY, La politique des reliques, BEAUCHESNE, p 1, Préface de Jean-Claude Schmitt.

[vi] Ces idées de Joseph MOINGT ont été exprimées lors d'une conférence qu'il a prononcée à BLOIS ( F) en septembre 2010. Cette conférence  est relatée, in extenso, dans la revue GOLIÁS Magazine No137 de mars-avril 2011, p 16 à 31. Dont extraits.

Invité par une équipe de chrétiens engagés, Joseph MOINGT avait été sollicité pour répondre aux questions suivantes : Comment témoigner de l'Evangile de la façon la plus accessible  aux hommes de ce temps? Quelle restructuration nécessaire de l'Eglise pour que tous les baptisés y soient pleinement impliqués ?

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