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Sonalux
7 janvier 2013

Conte (comptes) de Noël

Reprendre à Dieu ce qui appartient à César et laisser à César ce qui lui appartient.

 

Depuis quelques années, des catholiques allemands quittent et abandonnent ostensiblement leur Eglise. La manière de procéder est assez particulière en Allemagne. Les contribuables allemands doivent se déclarer appartenir à telle ou telle religion et une part, variant de 8 à 10 % de l'impôt sur leurs revenus – des centimes additionnels en quelque sorte - est versée au profit de l'Eglise de leur choix et de leur conviction. Pour en sortir, il suffit de déclarer sur la feuille d'imposition ne plus appartenir à aucune religion ou Eglise et l'impôt supplémentaire n'est plus ni dû, ni retenu, ni reversé. C'est la démarche que font, depuis quelques années, des centaines de milliers d'Allemands catholiques qui refusent de payer l'impôt ecclésiastique dédicacé. On devine pourquoi.

 

En septembre 2012, la sanction est tombée. Ces citoyens allemands qui organisent la pénurie et l'hémorragie financière de l'Eglise catholique allemande, comme le tonne la hiérarchie, sont tous et toutes quasi excommuniés puisque dorénavant, un décret de la conférence épiscopale leur interdit de recevoir les sacrements.

 

Les catholiques de Belgique ont été estomaqués, interloqués, abasourdis et paniqués par une telle mesure. Paniqués parce qu'ils craignent qu'une mesure du même genre ne leur tombe sur le dos. En effet, les catholiques de Belgique ne contribuent que très faiblement au « fonctionnement » de leur Eglise. Aujourd'hui, - ô paradoxe ! - c'est plutôt majoritairement les non-catholiques qui financent l'Eglise, ses permanents et le temporel du culte, puisque ceux-ci sont pris en charge par le budget fédéral (national, avant) ainsi que par celui des provinces et des communes, c’est-à-dire via l'impôt de tous les citoyens. En outre, les quêtes du dimanche et les dons des particuliers pour les paroisses sont devenus, de nos jours,  une quantité peu aimable.

 

Après quelques semaines d'abattement psychologique puis de réflexion, les catholiques de Belgique, mus par une volonté de reliance du tonnerre de Dieu le Père, ont décidé de réagir et de ne pas s'en laisser conter (compter?) en anticipant. Pendant tout le mois d'octobre, gsm, e-mails, sms, Twitter, Facebook, You Tube ont été utilisés à plein, mais à bon escient, pour convoquer une assemblée du peuple de Dieu.

 

Le dimanche 11 novembre, trois stades étaient archi-combles, à Deurne, au Heysel et à Sclessin, reliés entre eux par les moyens numériques et techniques les plus sophistiqués. Trois écrans géants avaient aussi été installés à Kortrijk, à Namur et à Eupen sur les places publiques principales – elles étaient noires de catholiques - afin de permettre au plus grand nombre de participer aux débats, de suivre leur retransmission et, partant, de bien saisir les enjeux liés aux décisions concrètes qui pourraient être votées.

 

Notons que l'Opus Dei et la majorité des nouveaux mouvements charismatiques s'étaient abstenus de participer. Mais 400000 catholiques (2,7% de la population) réunis le même jour en assemblée libre pour décider de la manière de financer leur Eglise, son fonctionnement et ses permanent(e)s est une première mondiale. Même Zenit, l'agence officielle porte-parole du Vatican, informée de la rencontre par on ne sait trop qui, avait discrètement envoyé une observatrice, mais celle-ci avait quitté rapidement l'enceinte du Heysel, troublée et énervée par le contenu des premières interventions.

 

Des délégations de catholiques de 28 pays avaient souhaité vivre ce moment de démocratie intense et de transgression, mais unique dans les annales de l'Eglise de Belgique et du Vatican.

 

Toutefois, le gouvernement luxembourgeois avait recommandé à la délégation grand-ducale qui voulait participer, de s'abstenir, compte tenu des débats serrés et houleux qui se déroulent  actuellement dans le pays et à la chambre des représentants entre les partis CSV et LASP visant à introduire la séparation de l'Eglise et de l'Etat et à financer les convictions laïques organisées.

 

Il serait assez fastidieux de relater entièrement toute cette journée, riche en débats, propositions et contre-propositions. Contentons-nous d'en retenir les axes majeurs votés à la quasi-unanimité des présents et accompagnés de bravos, d'applaudissements et de cris de joie assourdissants. En bref, les catholiques belges veulent financer eux-mêmes leur Eglise comme les y invite le prescrit du canon 222 §1.

 

1er axe : Les catholiques vont mettre la valeur de leurs biens mobiliers et immobiliers actuels en commun car ils n'ont qu'un cœur et qu'une âme. Pour accompagner cette démarche, ils ont fait appel à trois associations crédibles au plan financier : « Dunissens et Cie » réviseurs actifs dans les associations catholiques, « Crudial » et « Biodoos » qui à cette occasion va muer un peu et permettre à ses clients d'ouvrir un compte à vue. Quelques participants un peu inquiets pour leur vie ou leur survie et de la « perte » subie, ont vite été rassurés. Puisque le Seigneur des cieux nourrit bien les corbeaux et s'occupe de la croissance des lys dans les champs, sûr qu'Il fera bien plus pour eux, leur vie, leur corps et leurs habits.

 

2ème axe : Les catholiques, ont aussi voté à une très, très large majorité, l'affectation du quart (si + de 20000 €) ou de la moitié de leurs revenus annuels nets, (si + de 30000 €) à la « caisse » commune. Les plus larges épaules devant soutenir la plus large contribution.

 

3ème axe : Les patrons catholiques, dont des brasseries, se sont engagés aussi sur diverses pistes.

° La plus importante d'entre elles concernait l'évasion et la fraude fiscales. Devant des milliers de catholiques médusés, un des patrons, délégué à la tribune par ses pairs, a confessé publiquement la réalité de l'évasion fiscale, légale ou illégale, vers la Suisse, le Lichtenstein ou le Grand-Duché de Luxembourg mais pour une partie très infime seulement. La majorité de l'évasion a été réorganisée depuis 2007, avec l'aide confidentielle d'agents français, vers les rochers de Wallis-et-Futuna perdus dans l'océan entre Tahiti et la Nouvelle Calédonie. Un vrai paradis pour ce repère de sociétés écrans et de capitaux soustraits à la répartition de la richesse créée dans bien des pays, dont la Belgique, et distraits des revenus pour un usage tout à fait privé. Les patrons catholiques se sont engagés au rapatriement total de leurs capitaux envolés et à les réinvestir pour moitié dans l'économie réelle, surtout non marchande, et pour l'autre moitié dans le pot de mise en commun. Les bières catholiques ont néanmoins tenu à préciser qu'elles n'étaient en rien compromises dans ces fuites organisées vers les îles du Pacifique.

° Un comportement nouveau auquel les patrons catholiques vont dorénavant se soumettre concerne le fonctionnement de leurs entreprises. Ils ont garanti que plus jamais l'intérêt des détenteurs de capitaux investis ne passerait avant celui de « l'homme » ni non plus avant celui du respect de la planète. Ceci implique que les externalités dévastatrices de l'environnement vont disparaître.

° Les assemblées et les participants se sont rassurés: avec un tel système, les catholiques vont dorénavant financer seuls leur Eglise. Pas question, pour le moment, de les voir exclus des sacrements. Pour le moment. Ouf !

 

4ème axe: vers d'autres changements majeurs.

Profitant d'une présence aussi massive, les animateurs de la journée Paul Tihonnet, Véronique Hartmann, Geert Vangodt et Werner Köwerich ont saisi l'occasion pour aborder un certain nombre de changements que ce nouveau mode de financement va impliquer. Le rappel, ci-dessous, de quelques décisions prises donnera un peu la tonalité de cette dernière partie de la journée.

  • Ø Afin de ne pas affecter de frais inutiles au budget, les logements du genre palais ou maison de maître seront abandonnés et l'usage en sera rendu aux pouvoirs publics propriétaires. Tous les ecclésiastiques seront désormais hébergés dans des logements sociaux au cœur même des populations à soutenir et à aider pour plus d'humanité et dans les quartiers les plus défavorisés.

Une fois par semaine, du 1er novembre au 30 mars, pour économiser le chauffage et surtout pour ne pas se distancier d'une certaine pauvreté, ils collaboreront avec les équipes d'aides-soignantes, infirmières et autres aides familiales à l'accompagnement journalier des personnes en perte d'autonomie, handicapées ou en démence dans les MRS de leur région ou bien passeront une nuit au SAMU social (au CPAS dans les régions rurales) pour rencontrer et aider les sans-abri ou les personnes précarisées. Ceci remplacera avantageusement la lecture du bréviaire… que plus aucun clerc ne lit, d'ailleurs. Pour leur propre ménage, ils s'abstiendront de toute domesticité.

  • Ø Avec l'abandon des lieux de culte quasiment vides et chers en entretien, les catholiques pourront se retirer  seuls -dans leur chambre avec la porte fermée- ou en petits groupes, les uns chez les autres, pour prier et adorer Dieu en esprit et en vérité. De maisons Dieu n'en a nul besoin et n'habite nulle part. Peut-être en chacune et chacun. Comment ne pas trouver dans cette situation nouvelle une opportunité pour revenir à l'Evangile ?
  • Ø En collaboration étroite avec les pouvoirs publics, les plus compétents de leurs représentants négocieront, dans les meilleurs délais, la création d'un réseau public d'enseignement unique semblable à ceux qui s'organisent dans pas mal d'autres pays européens ou sur d'autres continents.

La philosophie, l'histoire des religions et les impacts que la religion catholique a provoqués et engendrés, historiquement, dans notre pays et dans le monde trouveront une place significative dans les programmes. La question de la foi étant réservée au bon vouloir des parents ou aux dispensateurs d'évangélisation dès lors qu'ils agissent à l'égard d'interlocuteurs libres, conscients et critiques.

  • Ø Enfin, les élus de tous les partis, présents à cette manifestation de masse, se sont engagés à une révision de la Constitution pour couler juridiquement en textes législatifs les décisions de la journée qui le nécessitent. Retransmises sur grand écran, les interviews des autres élu(e)s indiquaient qu'une majorité plus significative que les 2/3 était  largement acquise.

 

5ème axe : les estimations financières et leurs affectations.

ð Il ne s'agit ici que d'une première estimation assez grossière. On doit attendre la fin du travail des associations commanditées par les assemblées du 11/11 pour se faire une idée plus proche et plus précise de la réalité.

-          Pot commun (le bas de laine) : 160 Mds d'€ (4% de 4000 Mds €)

-          Revenu annuel de ce pot commun : 2,4 Mds € (1,5 %)

-          Part cédée dans les revenus annuels des catholiques (¼ ou la ½) : 26 Mds €.

-          Retour de Wallis (compris dans le pot commun)

  • Organisation, logement, traitement (le même pour tous, de l'archevêque au diacre), pensions et divers : 0,6 Mds d'€.
  • Solde annuel à affecter à la lutte contre la pauvreté, l'inégalité et le mal-développement : 25,8 Mds d'€.
  • Actions ponctuelles de réserve : 2 Mds d'€.

ð Une rencontre annuelle, à laquelle pourra participer n'importe quel baptisé, sera organisée pour faire le point sur les recettes, les dépenses, les investissements, les placements éthiques et répondre aux questions. La presse y sera conviée. L'option pastorale centrale et exclusive pour les pauvres sera évaluée à la lumière des projets soutenus, financés annuellement par « le solde annuel » et impliquant un maximum de fidèles volontaires et bénévoles. C'est l'archevêque, aidé de trois trésoriers, qui animera cette assemblée sous le contrôle de « Dunissens et Cie », réviseurs. Il en sera de même dans chacune des paroisses restructurées, sous la houlette du doyen du lieu. L'opacité qui prévalait précédemment dans les Fabriques aura, par conséquent, vécu.

 

Avant de clôturer ces assemblées, un petit coup de théâtre est intervenu au stade du Heysel. François Thibaut de Mangeterre, un théologien français et Dirk Van Veenstra, un bibliste hollandais, ont décoiffé les animateurs de leur micro pour haranguer la foule et l'inviter à un nouveau rendez-vous, fin 2013. Cette deuxième assemblée libre se donnerait pour mission de préparer, avec le même enthousiasme, la réinterprétation du message des Ecritures et de l'héritage évangélique dans un langage qui correspond aux sensibilités contemporaines et qui n'est pas déconnectée de la vie. Pour que le message soit une bonne nouvelle, il faut, au moins, qu'il soit compris.   Les mêmes bravos, les mêmes applaudissements et cris de joie assourdissants accompagnèrent cette proposition. Une façon, certes inhabituelle, de voter et de marquer son approbation et son adhésion.

 

« Yes, we can », chanté à tue-tête, fit vibrer des milliers de poitrines et de cœurs lorsque les spots des stades et les écrans géants commencèrent à s'éteindre. La Lumière avait jailli bien avant que l'obscurité n'envahisse les gradins.

Michel Habran,

avec l’agence de presse CCCC

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