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Sonalux
10 mai 2012

Sur la terre…comme sur la terre

Un article paru dans « Libre pensée chrétienne » donne à Michel Habran l’occasion de revenir sur les questions évoquées par Martin Lambda dans un précédent numéro de Sonalux : « Au ciel comme sur la terre »..

 Dans l’article « Au ciel comme sur la terre » (3ème trimestre 2011), Martin Lambda racontait, de manière un peu humoristique et imagée, les multiples sollicitations que les humains adressent « au ciel là-haut » afin de se voir accorder de petits avantages individuels qui devraient aider, croient-ils, à affronter les aléas de la vie : maladies, décès impromptus, situations financières ou familiales difficiles, etc. Le « ciel là-haut » était, par conséquent conçu comme une chambre de dernier recours pour venir, à la demande, régler des problèmes personnels ici-bas , rarement des demandes collectives liées à l’injustice économique et sociale.

Sur le même thème, il évoquait quelques souvenirs de jeunesse en relation avec l’enseignement religieux dispensé au catéchisme et qui concernait ce monde là-haut qui semble régir et règlementer la vie des humains.

Lambda réfutait ce soi-disant interventionnisme des cieux sur l’histoire, l’évolution du vivre ensemble et les problèmes personnels… contrairement à ce que beaucoup pensent encore aujourd’hui ! Il souhaitait, par conséquent, que chacun puisse reconnaître ses propres responsabilités tant individuelles que collectives pour la prise en charge et le pilotage de la vie sur notre bonne vielle terre et les événements y survenant. Avec José-Luis Herrera il devait conclure « Ce que nous les êtres humains ne penserons pas et n’oserons pas, ce que nous ne déciderons pas et ne construirons pas, Dieu (et ses saints, c’est moi qui ajoute) ne va pas y suppléer »[i]

 Or, par un heureux concours de…parution, la revue « LIBRE PENSEE CHRETIENNE»[ii] de ce premier trimestre 2012, intervient à certains égards sur la même problématique, l’éclaire d’un point de vue explicatif, la complète et l’enrichit en quelque sorte.

Je voudrais essayer de reprendre ici, brièvement, quelques éléments mis en avant par Jacques Musset dans sa contribution « Prier Dieu ou se laisser prier ? »[iii]

C’est sans doute parce que Dieu représente encore, pour beaucoup, une puissance qui peut tout, que « les demandes à Dieu excèdent de loin celles qu’en décembre reçoit le Père Noël. (….) le pouvoir de Dieu est(…) autrement plus opérant que celui du père Noël, spécialisé seulement dans l’expédition des jouets souhaités par les enfants. »[iv]

 Pourquoi ce type de demandes et de suppliques aux cieux ou à Dieu posent-elles question ? Jacques Musset questionne d’abord l’image de Dieu que trahissent ces demandes. «  Elles donnent de Dieu une représentation de toute-puissance sans limite et arbitraire. Qu’est-ce que ce Dieu omnipotent qui aurait besoin pour intervenir qu’on  se mette à deux genoux devant lui pour lui crier sa détresse ou lui clamer ses désirs les plus ardents ?  Qu’est-ce que cette divinité qui se nourrirait à longueur d’années et de siècle en siècle de prières incessantes  pour daigner  distribuer ses faveurs ? Piètre image du Dieu chrétien qui ressemble plus aux divinités d’antan dont on imaginait que leur pouvoir était efficace à la mesure de prières interminables et de rituels  sophistiqués.(…) Qu’est-ce que ce Dieu dont on proclame qu’il est amour et qui prendrait plaisir à se faire prier pour répandre ses bontés, comme s’il était sourd et distrait ? »?[v]

 Après l’image de Dieu c’est l’image de l’homme lui-même que questionne Jacques Musset via ces pratiques de religiosité d’un autre âge. « Ces demandes à Dieu de toutes natures, (…) manifestent une indéniable démission de responsabilité de la part de ceux qui les professent. Beaucoup de demandes portent en réalité sur des tâches auxquelles chacun des croyants et des humains doit s’employer en raison même de sa qualité d’être humain. Qui en effet doit apporter du réconfort à ceux qui souffrent ?Qui doit  créer des conditions de paix entre les personnes et les peuples ?Qui doit  faire en sorte que les gens  mangent à leur faim dans certains pays où règnent la famine et la disette endémiques ?(…) De qui dépend dans l’Église la naissance de vocations d’animateurs de communautés chrétiennes ? Des chrétiens eux-mêmes, pape, évêques, prêtres, fidèles,  et cela demande des efforts d’imagination créatrice pour inventer  de nouvelles manières d’exercer les ministères. Attendre du ciel des solutions c’est  donner libre cours à la paresse et au statu quo qui est en train de s’écrouler mais qu’on veut maintenir à bout de bras (...) On pourrait multiplier les exemples de ce qu’on implore Dieu de réaliser et qui dépend de la responsabilité humaine. Cette façon de  faire ne grandit ni Dieu ni l’homme.[vi]

 En troisième lieu, Jacques Musset analyse comme « l’indication chez le demandeur de son émoi, de son tourment, de son angoisse, de ses inquiétudes »[vii] toutes les demandes qui pourraient relever du coup de baguette magique de la part de Dieu mais qui, en réalité, sont tout à fait impossibles à réaliser par lui-même comme par exemple l’instauration de la paix entre des peuples en guerre, la guérison de cancéreux ou l’empêchement de morts d’enfants .

 Pour conclure cette partie, l’auteur invite tous les demandeurs priant à « faire le deuil de leur volonté de toute-puissance et d’accepter leur condition d’êtres limités, marqués des conditionnements inéluctables par la finitude et par la mort. (…) Leur Dieu n’est pas tout-puissant, pas plus qu’eux-mêmes. C’est une grande libération d’en prendre conscience, de l’accepter sans réticence et de faire de cette situation  un tremplin de maturation intérieure. » [viii]

 Objection, votre Honneur ! Comment Jacques Musset argumente-t-il, alors, face aux appels répétés de la Bible et des psaumes à solliciter Dieu ? Pourtant, Jésus lui-même ne manque « pas de rappeler que Dieu n’a pas besoin des prières pour être présent aux hommes et à leurs besoins. Mt 6,5-8. »[ix]

(…) Avec le progrès des sciences dites exactes et le décapage des sciences humaines, faisant suite aux critiques des Lumières, le domaine sur lequel jusque-là Dieu régnait en maître s’est pratiquement sécularisé. Nul besoin aujourd’hui de  faire intervenir Dieu dans l’explication et la gestion de la nature, dans la compréhension de la psychologie de l’être humain, de ses comportements et de ses maladies,  dans l’intelligence des lois dont toute société a besoin pour vivre dans un certain équilibre entre les forces centrifuges qui la composent. Les hommes ont acquis une autonomie dans la conduite de leur existence personnelle et sociale. » (…°) Ce qui reste commun avec  les expressions d’antan, c’est la nécessité du recueillement. C’est d’ailleurs une nécessité pour tout homme qui ne veut pas vivre son existence en somnambule. Se donner des temps de silence, quels que soient les lieux et la façon de s’y livrer, est une condition indispensable pour  être présent à soi et à son mystère.[x]

 Mais comment considérer alors des demandes impossibles adressées au ciel ou à Dieu, celles, par exemple, qui viendraient contrecarrer les logiques physico-chimiques ou organiques à l’œuvre dans la nature ou encore la tournure de certains événements terrestres ?

« Pour le chrétien  qui prend conscience que Dieu n’est pas tout-puissant, sans doute l’une des meilleures attitudes devant Dieu dans le recueillement est de  consentir personnellement à la réalité telle qu’elle s’impose et d’en faire une occasion d’approfondissement et de croissance intérieure. Sur ces sentiers, c’est l’une des expériences où l’on peut réaliser la justesse de la parole de Jésus : "Qui perd gagne".  Mais chacun fait le chemin qu’il peut en ce domaine selon les étapes  dont il a besoin pour progresser ».[xi]

N’y a-t-il pas, dès lors, des conceptions et des pratiques anciennes à revisiter et à réviser ?

Michel Habran



[i]Juan Luis HERRERA, La religion sans magie, Golias, Villeurbanne, pp 367 et 368, traduit de l’espagnol par Francine Vaniscotte et Michèle Parmantier.. Cité par Martin Lambda dans Sonalux no 79 de décembre 2011

[ii] LIBRE PENSEE CHRETIENNE, Rue Corneille Hoornaert, 9, 1090 Bruxelles. No 17/2012.

[iii] Jacques MUSSET ,Prier Dieu ou se laisser prier dans Libre Pensée Chrétienne, Trimestriel, 2012/17, p.5-8

[iv] Ibidem, p.5

[v] Jacques MUSSET, op.cit,p.5

[vi] Ibidem, p.6

[vii] Ibidem, p. 6

[viii] Ibidem, p.6

[ix] Ibidem, p.7

[x] Jacques MUSSET, op.cit. p8

[xi] Ibidem, p.8

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