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Sonalux
28 mars 2014

Un nouveau spectre ?[i] Si l’on en croit les

Un nouveau spectre ?[i]

 

Si l’on en croit les condamnations radicales du capitalisme par l’église catholique comme par les églises réformées, une révolution mondiale des chrétiens devrait bientôt renverser l’ordre économique actuel. À moins que…

 

 

L'exhortation apostolique du pape FRANCOIS Ier "Evangelii Gaudium" datée du 26 novembre a suscité quelques réactions. L'une d'entre-elles[ii] a été publiée, in extenso, par votre revue préférée: le numéro 87 d'octobre-décembre 2013 de SO.NA.LUX. A son estime, DEE JAY signataire et auteur de ce léger pamphlet, met surtout en exergue deux considérations.

 

D'abord, écrit-il, le pape rappelle, dans cette exhortation que le capitalisme est une tyrannie. Le pape la dit, cependant, nouvelle. Est-ce qu'il n'aurait rien vu ou compris avant ?

En second lieu, il invite les riches à la générosité - la charité ? - mais bien moins à la justice économique et sociale. Il aurait pu penser aussi à la récupération et à la répartition de la richesse soustraite et planquée.

 

Dans l'encyclique "Quadragesimo anno" Pie XI déclarait "Le système capitaliste n'est pas intrinsèquement mauvais mais il a été vicié' (sous-entendu, le système est bon mais haro sur tous ceux qui entravent son fonctionnement: les ouvriers qui veulent trop gagner et le socialisme, "principal adversaire".) Certes, les propos sont datés et situés. Toutefois, Jean-Paul II rappelait encore le 15 mai 1991 :"Si sous le nom de “capitalisme” on désigne un système économique qui reconnaît le rôle fondamental et positif de l’entreprise, du marché, de la propriété privée et de la responsabilité qu’elle implique dans les moyens de production, de la libre créativité humaine dans le secteur économique, la réponse est sûrement positive, même s’il serait peut-être plus approprié de parler d’”économie d’entreprise”, ou d’”économie libre”.(Centesimus annus)

 

Par rapport à la "charité", c'est un leitmotiv de bien des textes de l'Eglise et de la papauté de se tourner vers les riches ou les élites pour résoudre, par la générosité, les problèmes de pauvreté ou d'exclusion plutôt que d'inviter les victimes à la mobilisation (révolte?) et à prendre en main leur propre destin.

 

Je n'ai évidemment lu qu'en diagonale certains passages de l'exhortation en zappant les paragraphes théologiques sur le plan de Dieu pour la terre et l'humanité, l'action de la Vierge Marie, les multiples argumentations par morceaux ou petits bouts d'Evangile, la justification des structures paroissiales, de la nouvelle évangélisation fille de Marie, la catéchèse mystagogique, etc. Je n'ai, de plus, jamais compris grand-chose à toute cette littérature au sujet de l'activisme divin et marial qui, d'en-haut, règle la destinée des êtres humains et de l'humanité. Plus intéressé et concerné par le regard porté sur la société de l'ici-bas et les analyses qui en découlent, je me suis appliqué à une lecture plus sérieuse à partir des pages 43 et suivantes. J'y ai lu

 

-" Le système social et économique est injuste à sa racine."

 

- "C'est un système (le système capitaliste) qui tend à dévorer tout ce qui barre la route aux profits qui augmentent."

 

- "Dans ce système, qui tend à tout phagocyter dans le but d’accroître les bénéfices, tout ce qui est fragile, comme l’environnement, reste sans défense par rapport aux intérêts du marché divinisé, transformés en règle absolue. " 

 

- "Aujourd'hui tout est soumis à la loi de la compétitivité et la survie des plus forts alors que les puissants se nourrissent des faibles." C'est fort quand même !

 

- "Ce déséquilibre est le résultat d'idéologies qui défendent l'autonomie absolue du marché et de la spéculation."

 

- "L'être humain est devenu un bien de consommation qu'on peut utiliser et ensuite jeter."

 

- "Les exclus ne sont pas des ‘exploités’, mais des déchets, ‘des restes".

 

- "Comment se fait-il que ce n'est pas une nouvelle quand une personne âgée réduite à vivre dans la rue, meurt de froid, alors que la baisse de deux points en Bourse en est une ?"

 

- "Une nouvelle tyrannie est née invisible et souvent virtuelle qui unilatéralement et sans relâche impose ses propres lois et règles."

 

L'inspiration de François sur ce sujet n'est pas ce qu'il y a de plus original. Elle vient rejoindre ce que beaucoup savent depuis très longtemps et proclament à temps et à contre temps, notamment des mouvements sociaux, environnementaux, syndicaux, féminins et autres, de l'Europe et du monde.

Pourtant, il y a, dans l'analyse sociologique retenue, comme un chouia de nuance par rapport aux textes de certaines encycliques du passé qui examinaient aussi la réalité socio-économique.

 

Les églises protestantes ne sont pas en reste ! Réunies à Accra (Ghana) en Assemblée générale de l’Alliance réformée mondiale du 30 juillet au 13 août 2004, ces Eglises ont résumé leurs analyses et convictions dans un document d'une vingtaine de pages "Alliance pour la justice économique et écologique"[iii] On pouvait y lire, entre autres :

 

- La politique de croissance illimitée dans les pays industrialisés, et la recherche du profit par les sociétés transnationales ont abouti au pillage de la planète et endommagé sérieusement l’environnement.

 

- Cette crise se rattache directement au développement de la mondialisation économique néo-libérale qui se fonde sur les convictions suivantes:

 

une concurrence sans restriction, la consommation à tout prix, la croissance économique illimitée et l’accumulation de richesse sont ce qu’il y a de mieux pour l’ensemble du monde ;

 

la (possession de) propriété privée n’implique aucune obligation sociale;

 

la spéculation sur le capital, la libéralisation et la dérégulation des marchés, la privatisation des services publics et des ressources nationales, un accès sans restriction accordé aux investissements étrangers et aux importations, la réduction des impôts et l’absolue liberté des mouvements de capitaux assureront la richesse de tous ;

 

les obligations sociales, la protection des pauvres et des faibles, les syndicats et les relations entre les personnes, sont subordonnés au processus de croissance économique et d’accumulation du capital.

 

- Il s’agit là d’une idéologie qui prétend être la seule possible, sans solution de rechange, qui demande un flot incessant de sacrifices de la part des pauvres et de la création. Elle fait la promesse fallacieuse de sauver le monde grâce à la création de richesse et à la prospérité, affirmant sa primauté sur la vie et exigeant une soumission absolue, équivalant à de l’idolâtrie.

 

Voilà des constats et des considérations qui ne se paient pas de mots. Les Eglises vont-elles devenir le nouveau spectre qui va hanter non seulement le capitalisme comme mode de production mais aussi son bras armé le capitalisme financier mondialisé, comme déjà au XIXe siècle, les mouvements sociaux à partir de l'analyse du fonctionnement du capital observé et décrit par K. Marx ?

Depuis les milliers d'autels et les chaires ou lutrins de vérité de tous les pays, un millard et demi de citoyens chrétiens ne sont-ils pas invités à déclencher la révolution mondiale en construisant une force sociale, voire politique puissante ? Je subodore qu'elle va souhaiter mondialiser la solidarité et en faire le mode d'organisation de la société pour arrêter le "rouleau compresseur" qui conduit aux inégalités et à l'injustice croissantes, à l'appauvrissement des pays du sud, qui condamne à la misère de millions d'individus de par le monde et qui met en danger l'espèce humaine par l'exploitation irraisonnée et cupide de la terre.

Voilà, on peut s'attendre à un changement significatif, qui prendra, certes, du temps, mais le tout est de commencer……!!!!!!

 

- Comment ? Qu'est-ce que vous dites ? Non ?

 

- Pourquoi non?

 

- Benoît XVI, le pape d'avant, avait déjà affirmé" L'Eglise n'a pas comme vocation première de transformer l'ordre politique ou de changer l'ordre social(…) c'est le Christ qui transformera tout et tous. "[iv]

 

- Ah bon ! Il va falloir attendre encore alors ?

 

- Oui, en priant pour que ça change, que le Christ s'y mette afin que les aveugles voient, les boiteux marchent et que les exclus soient réintégrés.

 

- Mais comment cela se fera-t-il ?

 

- Par la foi de tous, de chacun et la prière.

 

- Mais tous ces chrétiens dorénavant conscientisés vont quand même agir et faire quelque chose. Après avoir entendu ces analyses, il y a comme une consigne d'action, je présume. Tous à l'œuvre ! Non ?

 

- Conscientisés ? Pas sûr. On n'en a rien dit dans les églises. Enfin si, mais chez les catholiques, les directives étaient d'insister sur l'importance du rituel et de la liturgie, des paroisses et leur regroupement ainsi que sur  la nouvelle évangélisation, fille de Marie, pas sur les grandes stratégies mondiales que l'exhortation fustige.

 

- Je crois bien que le système a encore de beaux jours devant lui, alors.

 

-  Pourtant si tout ce monde se liguait, en Belgique, avec le PTB, quel raffut et quel changement !

 

- Oui, lire les signes des temps engage : les textes sociaux proposés sont de véritables manifestes

 

-.Vous ne trouvez pas ?

 

- Un classement vertical va probablement les faire oublier assez rapidement.

 

- Quoi, un coup pour rien ?

Michel HABRAN



[i] Ce texte s'inspire très librement d'un article de Jean PORTANTE paru le 26/12/2013 dans le journal "LE JEUDI".

[iii] Alliance réformée mondiale. 24ème Assemblée générale, Accra, Ghana 30 juillet – 13 août 2004, DOCUMENT GC 28-f  FRANÇAIS "Alliance pour la justice économique et écologique.", (Covenanting for Justice in the Economy and the Earth)

[iv] Discours de Jean-Paul II le vendredi 10 février 2012 devant les membres de la Fondation Jean-Paul II pour le Sahel.

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