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Sonalux
13 juillet 2015

La vérité contre les opinions Pour s’imposer, la

La vérité contre les opinions

 

Pour s’imposer, la religion catholique a détruit pendant des siècles les lieux de culte et les écrits des religions ou philosophies différentes. Elle a aussi menace de nombreux maux ceux qui s’écartaient de sa pensée. Michel Habran rappelle quelques faits historiques.

 

 

C'est surtout à partir des révolutions américaine et française que s'est développé, dans les pays occidentaux, le concept de liberté formelle (Droits de l'homme) et singulièrement celui de liberté d'expression mais aussi de liberté religieuse... avec tous les aléas que ces droits individuels ont "emportés" avec eux : la liberté d'expression et de penser ayant encore beaucoup d'adversaires.

Il n'est pas sûr que l'on puisse vraiment tout dire ou écrire et notamment en ce qui concerne les stigmatisations liées à la race, au sexe ou encore les considérations sur les génocides historiques, l'incitation à la haine, l'insulte et le dénigrement de personnes ou de personnalités par le biais de la presse ou des médias sociaux. Il n'était pas sûr non plus que devant l'hégémonie de l'Eglise catholique, le non-choix libre d'une foi ou d'une religion ou la liberté de s'en priver ou d'en critiquer la doctrine aient pu aller de soi, jadis, sans devoir encourir les feux de l'enfer !

 

Depuis la fin du dix-huitième siècle, l'Eglise ne s'est jamais vraiment acclimatée à la perte de son rôle de diffuseur idéologique, ni aux attaques et incriminations à l'égard de sa doctrine et encore moins à la mise en cause de sa "Vérité" confrontée à la "modernité libérale".

En 1832, Grégoire XIII dans son encyclique MIRARI VOS s'insurge  avec véhémence, entre autres choses, contre l'idée qui circule que le salut éternel est à la disposition de chacun pourvu qu'on ait des mœurs droites et humbles. Il fustige avec autant d'ardeur et de fougue "la liberté la plus funeste, la liberté exécrable, pour laquelle on n'aura jamais assez d'horreur et que certains osent avec tant de bruit et tant d'instance demander et étendre partout, nous voulons dire la liberté de la presse et de l'édition. Nous frémissons, vénérables frères, en considérant de quels monstres de doctrines ou plutôt de quels prodigues d'erreurs nous sommes accablés"[i]

 

Mais l'exemple le plus célèbre reste, à cet égard, le SYLLABUS publié en 1864 par le pape Pie IX. La quatre-vingtième et dernière proposition de cet opuscule cible précisément tous ceux qui souhaitaient "que le pape se réconcilie avec le progrès, le libéralisme et la civilisation moderne :"Quiconque pense cela et le reprend à son compte, écrivait le pape, est "anathème": il n'a plus rien à faire dans l'Eglise catholique et, s'il n'en fait pas partie, il doit savoir qu'elle le voue au diable".[ii]

 

Toutefois, de nos jours, les considérations peu amènes, les arguments critiques, les avis franchement négatifs, les commentaires acerbes sur le fonctionnement de l'Eglise (catholique), sur le comportement de ses cadres et sur ses doctrines, dogmes ou la morale qu'elle présuppose pour étayer la foi peuvent faire l'objet de publications et de diffusion sans que l'auteur ne risque, de la part de l'institution, la traduction devant les tribunaux, l'emprisonnement ou la mort comme lors d'un passé lointain. Quoique...!

La vindicte intégriste populiste guette cependant le contestataire critique si celui-ci assure une fonction ecclésiastique.[iii] Par ailleurs, ses chances de passer au travers du filet du "Quality Control" romain restent fort minces.

 

Au début de l'ère chrétienne vers le Ve siècle, les empereurs considéraient qu'ils avaient sans conteste voix au chapitre, et même très souvent de manière décisive dans les affaires de l'Eglise. Les deux pouvoirs, ecclésiastique et impérial, (...) travaillaient ensemble, le premier sous les ordres du second, ou vice versa, mais toujours en accord sur le point essentiel, débarrasser le monde des mécréants.[iv]

Pour empêcher les "païens" de persévérer dans leur erreur par manque de prévoyance ou de bonne foi, le meilleur moyen qu'a trouvé le pouvoir christiano-impérial a été de fermer tous les sanctuaires où des célébrations infâmes étaient organisées.

Mais c'est sous le règne de Théodose II que les destructions et atteintes les plus sévères au patrimoine se perpétrèrent sans demi-mesure[v]: "Nous ordonnons que tous leurs sanctuaires, leurs temples et leurs lieux sacrés, s'il en reste aujourd'hui encore qui soient intacts, soient détruits sur l'ordre des magistrats et purifiés en y plaçant le signe de la vénérable religion chrétienne. Que tous sachent que, s'il était établi devant un juge compétent et par des preuves appropriées que quelqu'un bafouait cette loi, il serait puni de mort".[vi]

Pour plaire à Augustin (Saint-Augustin !), un procurateur impérial et tribun militaire envoya ses hommes détruire le gigantesque temple de Caelestis[vii]  afin d'extirper complètement tout culte différent du chrétien.

Vers la fin du VIIe siècle, en 681, lors du concile de Tolède, les évêques participants demanderont aux autorités civiles de faire arrêter et décapiter toute personne coupable de pratiques non chrétiennes quelle qu'en soit la nature.[viii]

 

En ce qui concerne les écrits non-chrétiens, ceux-ci subirent le même sort, détruits au milieu de grand feux de joie allumés au centre des villes et on dissuada les copistes (les livres etl'imprimerie, c'était pour bien plus tard) de les remplacer en menaçant de leur couper les mains[ix].

Par contre, les auteurs chrétiens jouissaient de privilèges qui favorisaient la diffusion de leurs écrits et leur meilleure prise en compte: ils étaient, en effet, de par l'ostracisme déclaré sur les écrits païens, diffusés bien plus largement. Un évêque de Syrie, par exemple, pouvait disposer jusqu'à soixante-dix secrétaires pour la publication de ses centaines de sermons.[x]

 

On constate qu'après Constantin et les derniers empereurs romains, jusqu'à la Renaissance, "rien d'autre ne compta que la nouvelle religion triomphante" [xi]

Fondateur de cette religion nouvelle, Paul de Tarse qui se qualifie lui-même " d'élu de Dieu dès le sein de sa mère "(Galates 1.15) jette aussi l'anathème sur quiconque réfléchit et pense par lui-même: "si quelqu'un vous annonce un évangile différent de celui que vous avez reçu (de moi...) qu'il soit maudit"(Galates1.19)[xii]

 

Et c'est la fin de toute pensée: il n'y a plus que la foi, l'Eglise....et les injonctions des conciles.

 

Pourtant au moins sept siècles auparavant, l'humanité avait commencé à réfléchir, imaginer, juger, raisonner et philosopher.

Quelle avancée par rapport à une conception habituellement superstitieuse, surnaturelle et magique du monde !

 

Les Grecs, depuis Homère, en passant par Héraclite, Pythagore, Protagoras, Socrate, Platon, Aristote, Aristophane, Anaxagore, avaient entamé l'émancipation rationnelle des citoyens. D'autres encore réfléchissaient au sens à donner à la vie : les Stoïciens, les Epicuriens, les Cyniques, les Hédonistes, les Sceptiques...

 

La destruction de la bibliothèque d'Alexandrie, où étaient rassemblées les copies de tout ce qui avait été écrit en grec, est probablement due - et c'est une des hypothèses -  aux conflits de primauté politique et religieuse entre paganisme et christianisme.

Il ne nous en reste que quelques bouts de phrases citées par les Pères de l'Eglise pour condamner les absurdités "païennes." Le monothéisme triomphant a laminé la culture grecque. Il n'a retenu que Platon, Aristote et les stoïciens parce que dans quelques passages lus d'une certaine façon, ils semblent annoncer la Vérité du Dieu Unique. Le libre exercice de la pensée a été stérilisé pour un millénaire et demi".[xiii]

 

En Extrême-Orient aussi, des penseurs développèrent, aux mêmes époques, des idées pour amener les hommes à la liberté et au bonheur: confucianisme, taoïsme, bouddhisme, etc.

 

Jusqu'à la fin du Moyen-Age, les victimes qui périrent au nom de leurs convictions religieuses ou de leurs idées qualifiées d'hérétiques, ne sont pas dénombrables. Ils étaient coupables soit d'interprétation "erronée" d'un message doctrinal chrétien complexe, soit d'adhérer à une autre forme de religion ou de faire confiance, encore, aux dieux du Panthéon.

 

Et c'est ainsi que toutes les philosophies, qui depuis des siècles étaient en train de s'épanouir, vont être censurées, interdites, persécutées; les écoles et académies sont fermées, les bibliothèques nettoyées et des centaines d'œuvres détruites à jamais. C'est la régression vers le religieux. Le retour à l'archaïque conception magico-surnaturelle de l'univers. (...)

Heureusement, (...) la philosophie est ressuscitée et Dieu, ça se discute. Philosophiquement.[xiv]

 

Après ce petit détour et florilège de rappels historiques en quelques paragraphes un peu chaotiques, j'en conviens, je propose aux amis de SONALUX la lecture de deux petits ouvrages parus récemment sous la plume (d'oie) aiguisée de deux anciens professeurs d'université, l'un à l'UCL, l'autre à Bochum en Allemagne, et d'un âge de sagesse - respectivement 80 et 85 ans - et qui publient, chacun, un essai pour faire le point argumenté sur leurs doutes et leurs convictions religieuses délitées.

 

Paul LÖWENTHAL, Quand douter libère, Academia-L'Harmattan, Louvain-la Neuve, 2015.

Après avoir explicité ses doutes (Dieu, Jésus-Dieu, Esprit-Saint personne troisième, l'Eglise, Ecritures inspirées, etc...), Paul Löwenthal expose les quatre enjeux qui, selon lui, sont cruciaux: l'interprétation du message, une sagesse de vie, les diversités de la foi, des fois, et l'homme dans son humanité.

 

Kurt FLASCH, Pourquoi je ne suis pas (plus) chrétien, Les Belles Lettres, Paris 2014.

Kurt Flasch ne se préoccupe pas de la situation et des attitudes des Eglises et des clercs pour expliquer pourquoi il n'est plus chrétien. Il démontre et justifie son abandon de la foi à cause de la prétention des Eglises (chrétiennes) à détenir la vérité. Il ne partage plus la doctrine d'une Eglise et dit adieu de manière sereine et raisonnée à la religion.

 

La lecture de ces deux ouvrages vaudra aux abonnées SONALUX 600 jours d'indulgence et s'ils y ajoutent la lecture de deux autres bouquins, l'indulgence sera quadruplée.

 

Yvon QUINIOU, Critique de la religion. Une imposture morale, intellectuelle et politique. La ville brûle, Paris 2014.

Yvon Quiniou entreprend une critique radicale de la religion et dénonce les illusions qu'elle se fait sur elle-même. Les hommes font la religion, c'est donc à eux d'inventer leurs convictions métaphysiques et les règles d'une vie collective apaisée à partir de leur seule raison commune (4e de couverture.)

 

Jean-Paul GOUTEUX, La foi: une histoire culturelle du mal. En danger de croire, L'Harmattan 1998

Jean-Paul Gouteux convient "qu'apprendre à penser est d'abord apprendre à éviter de se faire piéger par une doctrine, c'est se donner des armes contre le dogmatisme. Une telle démarche (l'apprentissage du doute) ne fait toujours pas partie des programmes scolaires" (p.135).

 

 

Michel HABRAN



[i] Jean-Louis SCHLEGEL, La loi de Dieu contre la liberté des hommes, SEUIL 2003, p 17

 

[ii] Ibidem, p 18,

[iii] Joseph Moingt sj qui considère que l'un des handicaps majeurs de l'Eglise est la bipolarisation clercs-laïcs fait souvent l'objet de critiques virulentes de la part de milieux ecclésiastiques fondamentalistes conservateurs. Faire bouger l'Eglise. DDB 2012

[iv] Ramsey MAC MULLEN, Christianisme et paganisme, Perrin-Tempus, 2011, p53

[v] Toute ressemblance avec des événements semblables survenant en ce début (2015) du XXI siècle ne serait nullement fortuite.

[vi] Jean SOLER,  La violence monothéiste, Editions de Fallois, Paris 2008, p.323

[vii] Ramsey MAC MULLEN, op.cit. p.46. Caelestis  déesse  phénicienne de la fertilité. Temple près de Tunis

[viii] Ramsey MAC MULLEN, op.cit. p.33

[ix] Ramsey MAC MULLEN, op.cit.p.16

[x] Ramsey MAC MULLEN, op.cit. p.17

[xi] Ramsey MAC MULLEN, op.cit. p12

[xii] Et des évangiles différents il y en eut : des choix d'interprétations différentes des textes canoniques et de la doctrine, rapidement désignés "hérésies" et dont Raoul VANEIGEM en a composé un catalogue explicatif dans "La résistance au christianisme. Les hérésies des origines au XVIIIe siècle" chez Fayard, 1993.

[xiii] Jean SOLER, op. cit. p.153

[xiv] Lambert SCHLECHTER in LE JEUDI du 12/04/2012  p19.

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