Synode sur la famille :

consultation corroborative ou

pratique démocratique pipée ?

Si la consultation des Eglises locales en préparation du Synode sur la famille pouvait paraître une réelle ouverture, les commentaires sur les synthèses des réponses laissent craindre que peu de changements interviennent dans le discours de l’Eglise sur la famille.

Le numéro 88 de SONALUX de mars 2014, faisait brièvement la synthèse des réactions des sympathisants de la "Conférence des baptisé(e)s" à propos du questionnaire, au sujet de la famille, adressé aux évêques du monde entier et répercuté vers les vrais destinataires de ces questions: le peuple des chrétiens catholiques.

Un instrument de travail (la synthèse des nombreuses réponses arrivées) rédigé par la Secrétairerie Générale du Synode à l’usage des Pères synodaux pour l’Assemblée extraordinaire de cette année encore, a été publié le 25 juin 2014[i].

La "Conférence des baptisés"[ii] vient de faire paraître un commentaire succinct sur le contenu de ladite brochure

S’il fallait résumer en une formule « l’instrument de travail » publié ce 25 juin elle serait la suivante : ne rien changer à la parole de l’Église mais mieux l’expliquer.

Ce texte est révélateur de la manière dont l’administration vaticane a analysé les myriades de réponses au questionnaire adressé par le Saint Père à l’Église universelle. Il cherche -‐tendance récurrente de ce genre de document -‐à cadrer voire à orienter les contenus du texte final qui sera promulgué par le Synode Général de 2015.

Ce document dresse un constat d’échec de la position du Magistère concernant la famille. Certes, la réalité des situations actuelles est bien prise en compte. Mais, comme un leitmotiv, il martèle que le Magistère a… toujours raison. La loi naturelle « inscrite par le créateur dans le cœur des hommes » reste la référence. Appliquée à la famille et comprise, en l’occurrence, comme « éternelle » voire fixe, comment peut-‐elle prendre en compte de manière positive mais critique les nouvelles problématiques de la procréation, du mariage, etc. ? Seule la réception des enseignements du Magistère pose problème : si celui-‐cise reconnaît un tort et un seul, c’est celui d’avoir manqué de pédagogie vis-à-vis des baptisés… En somme, il suffirait de mieux expliquer !

Dans ce document, les interprétations du Nouveau Testament sont pauvres et souvent abusives, les analogies sont parfois tirées jusqu’au non-sens. Les situations décrites comme « difficiles » sont toujours celles qui sortent du cadre « fixé » sur des critères qui relèvent d’une vision de la famille plus mythique que réaliste et opérationnelle. D’ailleurs, parmi les rédacteurs, qui expérimente la réalité "des familles" actuelles ? Dans ce texte relevons la dénonciation de l’absence des pères et… le silence sur les femmes. Saluons cette véritable prouesse qui consiste à gloser sur la famille sans que les femmes soient prises en compte. Par prudence, par volonté délibérée ? Une « nouvelle » vision de la famille serait-‐elle ici esquissée ? En filigrane, ce texte intitulé « Défis pastoraux de la famille dans le contexte de l’évangélisation » fleure la « nouvelle évangélisation » aux méthodes très largement inspirées des mouvements évangéliques, avec tout ce qu’elles comportent de retours en arrière, mâtinés de marketing avisé.

Dans l'Eglise particulière de Belgique, les chrétiens sont un peu échaudés par des consultations[iii] de ce genre… qui n'aboutissent la plupart de temps qu'à un document répertoriant des constats sociétaux corrects quant aux causes de la pauvreté, par exemple, ou à des pratiques internes critiquables. Le rappel des missions canoniques traditionnelles (obsolètes?) de l'Eglise recadrent habituellement la synthèse des avis ou les zappent un peu comme si les chrétiens étaient ignares et irresponsables dans leurs revendications ou propositions.

Depuis longtemps, ceux-ci ne pensent plus que leurs avis puissent constituer une base d'écoute et un discernement de la hiérarchie pour contribuer aux décisions locales ou vaticanes.

Ils se fichent pas mal de tous ces concepts et dogmes vieillots et "médiévaux" qui sont inaudibles non seulement à leurs oreilles, mais aussi à celles de nos contemporains comme par exemple l'encyclique "Humanae Vitae" transgressée des milliards de fois depuis 1968 ! Ou bien encore le concept figé de "loi naturelle" alors que la nature elle-même est dynamique, changement, bousculement et évolution. Comme la culture aussi d'ailleurs et notamment en ce qui concerne le type de famille et la variété des couples humains qui aujourd'hui se créent- ou se défont - sans cesse sous nos yeux, parfois dans des difficultés à vivre que le système économique implique et qui n'excluent pourtant jamais la quête d'amour.

Les homosexuel(le)s qui se révèlent bien plus de nos jours que par le passé, catalogués et répertoriés comme pêcheurs publics et objets d'opprobre et de mépris historiques de la part de l'Eglise, ne méritent-ils pas respect, reconnaissance et une demande de pardon à genoux ?

Le synode sera un vrai test pour François Ier. A côté de sa convivialité et de son humanité affichées ostensiblement, le pape saura-t-il provoquer le synode et l'Eglise à "quitter son attitude de défense ou antithétique et avoir "l'œil ouvert sur la réalité concrète et complexe de la vie"[iv] et en tenir compte positivement, elle qui, de toute façon, n'attend pas, elle fonce… sans attendre "la retardataire".

Des catholiques espèrent qu'il sortira du Synode autre chose que des pistes de pédagogie et de communication et que François se cherchera des alliés pour décadenasser le carcan. N'écrivait-il pas lui-même dans Evangelii Gaudium : « Je préfère une Église accidentée, blessée et sale pour être sortie par les chemins, plutôt qu'une Église malade de la fermeture et du confort de s'accrocher à ses propres sécurités (n° 19) ».

Michel Habran

[i] Ce document, en français, Instrumentum Laboris, est disponible aux Editions "Fidélité", 7 Rue Blondeau à 5000 Namur pour le prix de 7 EUR.

[ii] www.baptises.fr

[iii] Qu''on pense, par exemple, aux consultations organisées lors de la future désignation d'évêques ou du pape sur les caractéristiques de personnalité souhaitée. Le journal "L'APPEL" consulte de temps en temps ses lecteurs et les chrétiens sur le modèle d'Eglise qu'ils souhaitent voir advenir. Les diocèses ne sont pas en reste. Une des plus emblématiques consultations mise en œuvre, il y a plus de 25 ans (Relire SONALUX no 73 de juin 2010) reste la démarche entreprise par Mgr Mathen, évêque de Namur-Luxembourg. Celle-ci avait abouti à une série de résolutions hiérarchisées mais qui n'ont jamais été, formellement, concrétisées par les catholiques et les structures diocésaines. Le décès de Mgr Mathen a contribué à faire de cette "Assemblée diocésaine de Nassogne" une assemblée mythique dans l'esprit de beaucoup de catholiques des deux provinces. Plus proche de nous, le diocèse de Tournai a entrepris une démarche assez semblable avec les déceptions, au final, de bien des participants. Un de ceux-ci me confiait encore récemment qu'on était simplement "retombé dans les fondamentaux traditionnels: vocations et ministères, paroisses et organisation, pastorale liturgique et groupes spécifiques.

[iv] Propos de Mgr Bony, évêque d'Anvers repris par Elodie Blogie dans le Journal LE SOIR des 6 et 7 septembre 2014.

Synode sur la famille : consultation

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